Que s’est-il donc passé en Occident à la fin des années soixante ? Plus précisément, entre 1965 et 1970, quand – tous les sondages l’attestent – la mort devint, pour l’imaginaire collectif, le néant qu’elle n’a jamais été pendant 45 millénaires ? C’est avec son habituelle passion, et sur la base de documents inexploités à ce jour, que Pierre Chaunu analyse ces années noires – ces “Cinq tragiques” – pendant lesquelles tout bascule : l’Église, qui abdique sa spiritualité au profit d’un Évangile trop séculier ; la science qui s’essouffle, des techniques d’apprentis sorciers qui mettent en péril les équilibres fondamentaux de la démographie ; la “crise” avec son cortège de fanatismes et d’aveuglements au terme desquels on rencontre cette question singulière : pourquoi l’Occident cesse-t-il de donner un sens à la vie au moment même où le progrès lui offre les moyens de ne plus la transmettre ? On devine alors que, face à cette montée des périls, Pierre Chaunu ne ménage personne : ni les institutions, ni les dévôts, ni les incroyants. Il les adjure ici, au nom d’un espoir improbable doublé d’une espérance indéracinable qui reste la sienne et qu’il s’efforce avec talent, de faire partager. L’Historien, en cet instant, est ainsi un livre de colère et de conviction, un essai et une profession de foi.