Ce nouveau livre de Pierre Chaunu marque une étape importante dans son itinéraire intellectuel. Connu pour son immense œuvre historique et pour ses prises de position virulentes, il ne nous avait pas encore entretenus de l’arrière-plan philosophique qui donne sens à son travail et à son combat. Après nous avoir rappelé l’urgence de la crise démographique qui atteint l’Occident dans ses forces vives et menace sa survie, Pierre Chaunu s’attache à déterminer les conditions d’un sursaut. On ne consent à donner la vie que si la vie a un sens, et elle ne peut en avoir que si la mort elle-même a un sens. Or la mort et la vie sombrent dans l’absurde si l’homme n’est pas capable de tenir un discours cohérent et convaincant sur l’Être. L’Occident peut retrouver ce discours en revenant aux sources de son génie, en reprenant contact avec la mémoire millénaire qui l’a forgé. Dans cette mémoire, Pierre Chaunu découvre la liberté et les libertés, sans qui le présent est asphyxié et l’avenir bouché. Il y découvre aussi la tradition d’une séparation radicale entre le sacré et le profane, entre l’essence et l’apparence, entre l’Église et l’État. Non pas que la cité des hommes et la cité de Dieu doivent s’ignorer ou se combattre : chacune est légitime dans son domaine propre et chacune s’appuie sur l’autre. D’ailleurs les développements les plus récents de la cosmologie, de la physique et de la biologie ne révèlent-ils pas une concordance frappante avec les enseignements les plus constants de la Genèse, et les exigences de la démocratie occidentale ne sont-elles pas en accord total avec la tradition chrétienne ? La philosophie de Pierre Chaunu lui permet donc de conjuguer avec un rare bonheur la raison exigeante du savant, la foi ardente du croyant et la liberté vigilante du citoyen. Une pensée aussi rigoureuse, informée et élevée, nous lance un défi et nous apporte l’espoir : comment une civilisation millénaire ne renouerait-elle pas le fil d’une histoire féconde et glorieuse ? Comment la vie pourrait-elle ne pas triompher de l’aveuglement et de la lâcheté ?