Le baptême de Clovis, il y a 1 500 ans, est aussi celui de la France, pays que fonda le chef mérovingien. Guerrier victorieux, Clovis fut aussi un génial politique : sa conversion rallia aux Francs les Gallo-Romains. La cérémonie de Reims se mua ensuite en sacre et Clovis devint un héros mythique qui, à la différence de Charlemagne, appartient à la France seule. Pour modeler ce profil, il a fallu près d’un millénaire et la guerre de Cent Ans qui cimenta la nation. Clovis fut alors identifié au Roi saint en attendant le siècle des Lumières qui fit du Franc l’inventeur de la monarchie constitutionnelle… Au XIXe siècle les deux France, révolutionnaire laïque et royaliste catholique, se disputèrent le héros. L’ombre de Clovis était présente lors de « la grande ordalie » de 1914-1918 et même aux funérailles de Mitterrand. Elle est au cœur de l’exception française : précoce identité nationale, royauté sacrée, Église indépendante du pape, passage de la « gallicanie » à la « laïcanie », de la religion d’État à une forme d’athéisme d’État. Pierre Chaunu et Éric Mension-Rigau, mêlant érudition, intuitions et convictions, passent en revue les figures qui, après Clovis, ont su aussi rassembler les France : Jeanne d’Arc, Henri IV, De Gaulle… Les auteurs décrivent cette France d’hier et d’aujourd’hui, fruit d’une succession d’impossibles mariages et qui entre dans le XXIe siècle avec deux mémoires vivantes, parfois opposées : celle de Clovis-Jeanne d’Arc et celle des soldats de l’An II.