Chacun des récits qui forment La cible a son unité propre, et peut s'isoler de l'ensemble, mais c'est à la façon de ces moments d'une existence dont nous disons qu'ils tranchent sur le reste : accidents d'une perspective qui prend pour eux sa profondeur. Un gamin s'absente de la messe et ne parvient pas à inventer le sermon qu'il devrait répéter à ses parents, mais il trouve autre chose. Plus tard, au bord de la mer, il fait la connaissance d'une personne qui l'éblouit. Des années passent. Il rencontre à l'étranger un petit garçon collectionneur de squelettes d'oiseaux et de rongeurs. Il constate l'existence du satyre de l'aube. Il se promène sur les toits. Il emprunte la cravate et les souliers d'un magistrat équivoque... C'est encore la jeunesse ; mais vient une fois où le je narrateur s'efface. C'est la chance folle qui mène le jeu : le héros du dernier récit est un homme absent de sa propre existence. Tel est le lien logique de cette douzaine d'histoires moins une. On peut y voir aussi une suite d'images n'ayant de commun qu'un certain style ; le lecteur fera son choix.