"Voici des pages – poésie et prose – écrites à des moments différents, entre 1936 et 1961, et à différents endroits, Paris, la Corse, l'Angleterre... Il s'agit bien là de choses vécues, selon la bizarre expression consacrée, mais on se tromperait en y voyant une esquisse d'autobiographie. Un homme fait, sous le lien du temps, bien d'autres expériences que celles qui s'ourdissent en autobiographies et en confessions. Celle qui est au fond de ce petit livre, c'est l'expérience d'une désillusion à la fois personnelle et d'ordre très général. "Mea culpa" : je m'acharnais à croire, jadis, que l'écriture, l'art d'écrire, devait être moyen de progrès personnel, escalier vers une sagesse inséparablement vécue et écrite. L'illusion dissipée (voir sur ce point l'examen qui ouvre le livre), que me restait-il à demander au langage ? Il me restait à écouter le langage même, non forcé, non courbé, libre d'aller à ses fins propres, à travers moi. Ainsi, ces proses et ces poèmes sont en quelque sorte autant d'heureuses lacunes de ma vie – espaces et temps étranges où le langage, dans l'infinité du vécu, fait son choix suivant sa loi. Dans quel dessein ? Pour quelle justice inimaginable ? À ces questions, toutes les réponses ont été données, et la question demeure, aussi surprenante que jamais. Toutes les écoles ont fait leur temps peut-être, mais l'aventure d'écrire ne fait que commencer." Henri Thomas