D’un bout à l’autre de la planète, des hauts fourneaux surgissent, le pétrole jaillit du sol, les ouvriers s’entassent dans les usines. A travers les cinq continents, les mêmes mots sont employés, les mêmes valeurs proclamées, les mêmes buts visés. Un type de société, la société industrielle, sans précédent dans l’histoire, est en train de devenir le modèle pour l’humanité entière. Tel est le fait décisif qui sert de base au rapport de Raymond Aron et aux colloques de Rheinfelden, qui ont trouvé tant d’échos dans la presse de tous les pays, comme pour témoigner encore de ce caractère universel du temps que nous vivons. Si l’industrialisme est la loi de notre époque, quel est le sens du grand schisme entre les deux sociétés industrielles d’Union soviétique et des Etats-Unis ? La similitude de l’organisation sociale entraînera-t-elle le rapprochement des idéologies, l’atténuation de la rivalité diplomatique ? Comment les sociétés encore peu développées réussiront-elles à s’industrialiser ? Par quelle méthode ? Au-delà de ces controverses sociologiques, les philosophes, savants, juristes, sociologues réunis à Rheinfelden, ont discuté le problème central que pose et qui dépasse la société industrielle : quelle est la valeur de ce nouveau type social ? La production, l’abondance, l’efficacité ne sont pas buts, mais moyens. Le but est la vie bonne, la société bonne. Et par là , l’humanité, aux prises avec le délire technique, retrouve les questions éternelles de Socrate, du Christ, de Bouddha. Robert Oppenheimer, George Kennan, Raymond Aron, Bertrand de Jouvenel, Asoka Mehta, bien d’autres encore, venus de tous les horizons et de toutes les disciplines, retrouvaient une langue commune pour répondre à cette commune interrogation.