Seul l’écrivain peut viser, sans cesse, à l’impossible : comment retenir du temps qui passe ce qui participe de l’éternité ? Comment appareiller pour d’incessants voyages immobiles ? Sans doute est-ce la grâce magique de Paul Morand que de s’affranchir du présent tout en y bivouaquant chaque jour. Les Propos des 52 semaines, qu’on redécouvrira ici, réalisent avec une perfection troublante ce projet qui est celui de la littérature elle-même. Rédigés voici tout juste un demi-siècle par un grand voyageur provisoirement sédentaire, ils parlent de départs au long cours, du Caucase et de Manille, des moussons et de Malacca ; mais aussi des choses menues de la vie, d’une voiture condamnée au garage, de certains crépuscules sur Notre-Dame et des fatalités de l’avarice. Parcours émerveillé dans une seule année de vie, agenda ébloui et leçon de bonheur. En dépit de tout. Ces « propos » de Paul Morand sont précieux comme un message retrouvé dans une bouteille au terme d’un long parcours, intact.