Joachim — les Mosellans disent Jochem — est né en Lorraine sur la frontière où la France et l’Allemagne, chacune à son tour, s’établissent et veulent vaincre. Là, il y a des mines de charbon, du fer, des filons douloureux et salissants, des crassiers et des drames souterrains. Les hommes ont les poumons scintillants de poussière. Les vaches lèchent des blocs de sel gemme. Mais Joachim n’a pas connu le soir. Il n’a pas vécu un jour entier. Il faut entretenir sa tombe, en chasser les insectes et les fleurs vénéneuses. Il faut l’aider à franchir les saisons sous la terre, lui apprendre la couleur de la route, l’exode, le goût du pain de soldat, le sifflement de l’obusier. Alors, comme saint Nicolas le fit des glaneurs, sa sœur le ressuscitera.