Voici le dernier volume de ce grand roman éclaté que sont les Journaliers. Parvenu à ce point final d'où il peut prendre une vue rétrospective de toute l'œuvre, le lecteur mesure, à travers la dissémination des notes, des maximes, des anecdotes, l'unité du récit quasi quotidien de cette vie. Là se réfractent, à travers le regard et le ton du narrateur, les reflets, dans leur continuité, de plusieurs destins (ceux d'Élise, de Céline, de Marc...), de passions successives, de témoignages essentiels. Le retour de certains thèmes, de certaines figures, parfois dans une perspective onirique propre à l'auteur, justifie son affirmation à propos de son œuvre : "On peut dire d'elle ce que disait Lacordaire de l'Ave Maria : on la redit, on ne la répète pas." Chaque moment se trouve modifié par l'éclairage du temps de l'ensemble. Ici, la grande vieillesse ne dément pas, dans la proclamation d'"une sorte de bien-être physique et de bonheur moral" l'allégresse du vivant, la sérénité du contemplatif. Elle confirme, par la clarté de la pensée et du style, une élégance morale que la mort, lucidement affrontée, ne parvient pas à défaire.