Depuis l'illustre ouvrage de Freud sur les rêves, leur rôle dans notre vie psychique et leur signification, on peut dire que la littérature onirique s'était divisée en deux voies: une voie scientifique (létude systématique et le classement des divers types de songes) et une voie poétique, dont l'influence dans les lettres contemporaines, roman ou poésie, n'est plus à démontrer. L'Epérience du rêve est la première tentative, peut-être, pour concilier ces deux voies. Un écrivain, armé de toutes les clés et de toutes les ruses de la technique psychanalytique, explore à la fois en savant et en écrivain le labyrinthe de ses songes.
Plonger dans ses rêves, c'est ramener à la lumière les richesses perdues de l'inconscient et les inventorier (et l'ontrouver dans cette démarche la précoccupation familière de l'auteur de l'Ordre des choses et de Inventaire des sens). Mais c'est aussi chercher le fil conducteur d'une histoire secrète, celle qui passe par tous les désirs refoulés et les fantasmes inavouables et constitue, en quelque sorte, l'envers de l'histoire officielle, c'est-à-dire la vérité intime d'un homme.
Avec une hardiesse qui n'est jamais provocation, ave cune témérité sûre d'elle-même, Jacques Brosse compose ainsi son autoportrait en creux, qui se trouve être le portrait de l'humaine condition. Car s'il est vrai que les rêves expriment les archétypes les plus archaïques de la sensibilité infantile, chacun pourra reconnaître dans l'Expérience du rêve l'écho de ses plus lointaines obsessions, et se confronter avec une image de lui-même à la fois scandaleuse perverse et radieusement innocente.