Il est un dogme aujourd'hui largement partagé par les sciences de l'homme: les mouvements, les crises et les phénomènes qui se produisent dans la société doivent être expliqués par des causes sociales et aucunement psychiques. Or, ce dogme est un idéal d'autrefois, figé en préjugé.
Assurément les causes psychiques se distinguent des causes sociales. Mais tous les phénomènes sociaux sont le fait des hommes. Ce sont leurs passions qui stimulent leurs grandes créations politiques, religieuses et culturelles; qui, plus encore qu'un amalgame d'intérêts et de pensées, définissent les liens qui président d'abord à l'être et à l'agir ensemble. Pourquoi cette passion sociale _ quelle qu'en soit la forme: charisme, sacrifice, effervescence, communauté ou révolution _ surgit-elle et comment transforme-t-elle, par sa dynamique, un amas d'individus en une collectivité authentique?
A ces questions, Serge Moscovici répond en faisant leur juste part aux explications d'ordre psychique. Chemin faisant, il éclaire d'un jour nouveau les oeuvres de Durkheim, Mauss, Weber et Simmel. Seule la fécondation réciproque de la psychologie et de la sociologie empêchera celle-ci d'être une connaissance mutilée.
Serge Moscovici est directeur d'études à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales.