Aujourd'hui où le pape bénit l'informatique, on imagine difficilement le débat passionné qui opposa les catholiques partisans du progrès et ceux qui annoncèrent que l'invasion des machines allait déshumaniser l'homme. Claudel se fit le chantre des techniques modernes, qui n'étaient ni plus ni moins à ses yeux que l'instrument de la Providence, tandis que d'autres déplorèrent qu'il n'y eût plus de miracle que techniques et scientifiques : "C'est en vain que nous nous écartons des plans de la nature... La nature reprend ses droits et nous ramène à ses lois par les désordres qu'entraîne leur infraction."
La confrontation fut souvent virulente, car l'irruption de la technique bouleversait la vie quotidienne mais aussi l'idée même de sacré et le vécu religieux. Tout au long de la révolution industrielle, chaque innovation posa de nouvelles questions : était-il licite, dans les églises, de remplacer la lumière des bougies par l'éclairage au gaz ? Les curés pouvaient-ils se servir de micros ? Pouvait-on prendre le train pour faire un pèlerinage ? Les fidèles s'adaptèrent peu à peu, encouragés par un clergé qui multipliait les bénédictions surtout Pie XII recoururent à leur tour aux prodiges de la technologie pour diffuser des radio messages à travers le monde.
A l'heure où l'homo technicus est parfois saisi de vertige, cette histoire nous offre une leçon d'optimisme raisonné.
Michel Lagrée, ancien élève de l'Ecole normale de Saint-Cloud, est professeur d'histoire contemporaine à l'université Rennes-II. Il consacre ses recherches aux changements religieux et culturels à l'époque contemporaine.