Le centenaire du début de l'affaire Dreyfus invite à revenir sur l'alchimie complexe qui conduisit d'une confidentielle affaire d'espionnage à un grand débat public, crise emblématique et paradigme du passage à l'État de droit, mais aussi de la lutte constante contre préjugés et pulsions irrationnelles qu'implique la démocratie. À ce titre, l'affaire Dreyfus reste une leçon permanente. Compte tenu de la position particulière de la France dans le monde de l'époque, point de référence pour tous les hommes épris de liberté et de justice, cette fièvre hexagonale eut un retentissement quasi planétaire. Ceci attestait l'irrésistible ascension du quatrième pouvoir, celui de la presse, avec ses droits, mais aussi ses responsabilités, pour le meilleur et pour le pire. À deux pas du lycée de Rennes, siège du second Conseil de guerre en 1899 et placé aujourd'hui sous l'invocation d'Émile Zola, le Musée de Bretagne conserve depuis 1978 un fonds de documents, en particulier des témoignages de soutien reçus par la famille Dreyfus, de France et du monde entier. La rencontre en ce lieu, en septembre 1994, de spécialistes, français et étrangers, a donc fait se rejoindre la mémoire, qui est une ardente obligation, et l'histoire, laquelle travaille « à frais nouveaux », élargissant sans cesse sa quête de documents, de l'écrit à l'image, traités avec des méthodes renouvelées.