Hervé Hamon nous livre ses fragments de plaisir. En ces temps d'hygiénisme réglementaire, d'égoïsme politique, de négationnisme obsessionnel et de haines immotivées, célébrer le plaisir est une œuvre de résistance. Quel plus bel écrin qu'un Dictionnaire amoureux pour cela ?
" Je vous vois venir. Je capte, au fond de votre prunelle, un effarement curieux, si ce n'est goguenard. De quoi se mêle-t-il ? De quoi va-t-il parler ? D'esthétique raffinée, d'orgasmes foudroyants ou fantasmés, de couchers de soleil qui mériteraient la photo, de transgressions rocambolesques, de fleurs, de recettes gastronomiques, de lectures définitives, de Lucrèce et d'Épicure, de Kant et Lacan, des impromptus de Schubert, du raton laveur de Jacques Prévert ?
Les ouvrages qui évoquent le plaisir, il en existe des millions. Ils ont caressé le sujet, ils l'ont frôlé, honni ou léché, et la peau du sujet a répondu en se hérissant de toutes les manières imaginables. L'inventaire du plaisir, ça n'existe pas, ça ne peut pas exister, c'est rétif à tout catalogue. Le plaisir, c'est le foutoir, un foutoir ontologique, ça ressemble aux bazars de mon enfance, à ces magasins où l'on trouvait " de tout ".
Ce dictionnaire amoureux ne qualifiera pas ses péripéties de " menus " plaisirs, de " petits " plaisirs, de plaisirs à la découpe, plaisirs réduits en poudre, aimables, de bonne compagnie, plaisirs qui donnent leur langue au chat à l'heure du thé de ces dames. Le plaisir, même le petit qui donne le goût du grand, c'est innommable, et c'est pourquoi il mobilise la littérature.
Évoquant dans ce livre mes fragments de plaisir (et aussi de son contraire), je suis forcé d'avouer la couleur. En ces temps d'hygiénisme réglementaire, en ces temps d'égoïsme politique, en ces temps de négationnisme obsessionnel et de réaction triomphante, en ces temps de haines immotivées, célébrer le plaisir m'apparaît faire œuvre de résistance. "