On parle volontiers d’un « bon » roman et l’on sait alors immédiatement à quoi l’on a affaire : une histoire bien menée, bien tournée, remplie d’événements dont les développements retiennent notre attention. À l’inverse, l’idée qu’un roman soit « beau » ne va pas de soi. Aussitôt qu’on l’énonce surviennent quantité de difficultés, à commencer par ce qu’elle désigne exactement. Et même en supposant qu’on puisse la définir, qu’apporte-t-elle à un roman ? Quelle compréhension – ou compréhension accrue – nous en donne-t-elle ? Il n’existe pas d’étude sur la beauté romanesque, sur sa valeur, sur sa distinction, sur ce qui la crée. Et pourtant les questions que soulève cette idée sont parmi les plus intrigantes que pose le roman, puisque de toutes les raisons qui nous poussent à en lire et à en écrire, la beauté est peut-être l’une des plus puissantes en même temps que l’une des plus insaisissables. Dans cet essai qui n’a aucunement la prétention d’établir ce qu’est la beauté d’un roman et encore moins d’en fixer les critères, Isabelle Daunais se propose plutôt de suivre les chemins qu’elle peut emprunter, les façons qu’elle a eues d’exister ou qu’on a eues de la penser. Guidée par la conviction que c’est dans la durée souterraine du roman, de ses personnages et de leur vie que se déploie la beauté romanesque, elle plonge dans de nombreuses œuvres de la littérature occidentale – de Cervantès à Roberto Bolaño, de Balzac à Marie-Claire Blais, de Dostoïevski à Philip Roth – pour faire émerger les principales incarnations de cette idée. Il en ressort une lecture nouvelle de la spécificité du roman en tant que genre littéraire et en tant qu’art à part entière.