Depuis des années, Isabelle Daunais poursuit une réflexion tout à fait unique sur le roman, art majeur des Temps modernes. Lire et méditer comme elle le fait ici les grandes œuvres de l’histoire du roman (Cervantès, Balzac, Flaubert, Proust, Kundera, Philip Roth, Gabrielle Roy) aussi bien que certaines de ses réalisations les plus actuelles (Marie NDiaye, Karl Ove Knausgaard, Hallgrímur Helgason, Yannis Kiourtsakis ou Dominique Fortier) n’est pas un exercice d’érudition, mais une véritable quête philosophique et morale, l’examen – à travers des personnages et des univers fictifs – de certaines des questions les plus concrètes et les plus pressantes que nous nous posons du seul fait de vivre la vie que nous vivons, faite d’incertitude, d’imperfection, de temps qui passe, bref, de simple et commune humanité. Avec la sensibilité, l’intelligence, la culture et l’imagination critique qui illuminent sa pensée comme sa prose, Isabelle Daunais explore dans la vingtaine de textes qui composent La Vie au long cours une dimension essentielle de l’art romanesque qui passe trop souvent inaperçue : de toutes les formes d’art, le roman est le seul qui a le pouvoir (et le souci) de saisir la vie humaine et le monde dans leur durée. Plus qu’aux moments mémorables ou spectaculaires qui ponctuent la vie et parfois la transforment, c’est à la continuité du monde et de la réalité qu’il s’intéresse, à tout ce que les actions, les désirs ou les révoltes de l’individu n’atteignent pas et qui, à long terme et quoi qu’il arrive, demeure le fond permanent de l’existence humaine, sa base, son appui. La vie, nous dit le roman, est une entreprise au long cours, dans laquelle le réel finit toujours par triompher du rêve, les petites choses des grands mots, et l’ordinaire de l’exceptionnel. Toujours le monde résiste, et c’est cette résistance qui en fait un lieu à la fois d’humilité, de consolation et de beauté.