En attendant l’assaut, le soldat Rillans rejoue le Désert des Tartares à la sauce franco-américaine en Irak...
— Tu n’as rien vu, à Bassora.
Le soldat Rillans sourit en catimini. Son sergent est cinéphile ; plus personne ne l’ignore dans la brigade. Tout lui est prétexte à citations en rapport avec une pellicule projetée sur grand écran. Pas une brute épaisse qui sort sa culture dès qu’il entend le mot revolver, le sergent, puisqu’il cite à égalité l’art et essai européen (avec une certaine prédilection pour la Nouvelle Vague française) en noir & blanc et les grosses machines hollywoodiennes au standard cinémascope couleurs dolby stéréo. La fréquentation des ciné-clubs n’empêche pas le port de l’uniforme pour motifs professionnels, cela pourrait surprendre ; le soldat Rillans n’est pas surpris. Ses connaissances cinématographiques sont purement télévisuelles, colorisées, et limitées. Aussi limitées que sa conscience politique.
Et pour le temps qu’il y aura passé, à Bassora, il ne risquait pas d’y voir grand-chose.
L’humour mordant de Jean-Hugues Oppel n’épargne rien ni personne. La gloire militaire paie son tribut à un cynisme sous lequel, en grattant un peu, on trouverait sans doute du désespoir.