1844 : dans la péninsule italienne partagée entre le royaume de Sardaigne et du Piémont, les provinces du Nord aux mains des Autrichiens, le centre occupé par les États du pape et le Sud, Sicile comprise, sous la férule réactionnaire des Bourbons de Naples, un désir d’unification et de démocratie monte de toute la société. Cette année-là, en Calabre, une expédition de partisans se heurte à l’indifférence des paysans qu’ils voulaient soulever, à la répression bourbonienne et à la trahison du bandit Calabrotto.
Le jeune Lorenzo di Vallelaura, noble vénitien déserteur de l’armée autrichienne, arrache au bûcher Striga, une sorcière muette, génie des nombres qui sera pour toujours son ombre bienfaisante. Face au peloton d’exécution, Lorenzo accepte de devenir un traître à la solde de l’Empire austro-hongrois.
Plus tard, à Londres, placé auprès de Mazzini, l’un des trois futurs pères de la patrie italienne, il sera mêlé à un demi-siècle d’intrigues entre puissances européennes, marqué par des attentats, des complots et des soulèvements aux quatre coins de la Botte.
Face à lui, Von Aschenbach, chef des services secrets autrichiens, homosexuel tourmenté, et son homologue piémontais Vittorelli, cynique pourtant fasciné par l’autre grande figure du Risorgimento, Cavour.
Autour de lui, Striga, qu’il retrouve aux côtés de Terra di Nessuno, l’héroïque guerrier sarde, et toute une société londonienne extravagante et géniale, le peintre Rossetti, l’aristocrate exténué Chatam et la très belle et très désirée lady Cosgrave, ardente adepte de la Cause. Le chemin de Lorenzo et des autres croisera aussi bien celui de Garibaldi que ceux de mafieux, de camorristes, de bandits anglais et de terroristes français.
Tandis que dans les coulisses agissent Karl Marx, Victor Emmanuel II ou Napoléon III, nous sommes transportés de révolutions en réceptions somptueuses, de tavernes milanaises en sordides prisons napolitaines, des rues de Palerme en flammes aux chais du marsala, des bordels anglais aux ghettos de Rome et aux laboratoires où s’inventent les premières machines à calculer.
Faisant ici montre d’une puissance créatrice qui le porte encore plus loin que son chef-d’œuvre Romanzo criminale, Giancarlo De Cataldo brasse les langues, les dialectes, les saveurs, les légendes et les chansons pour nous restituer horreurs et splendeurs d’une époque encore en résonnance profonde avec la nôtre.
Maniant l’ironie de l’essayiste et la science du feuilletoniste, il sait nous attacher aux destins individuels d’une nuée de personnages, historiques ou romanesques, à leurs ambiguïtés, leurs vilénies et leurs grandeurs, jusqu’à leurs fins amères, absurdes ou apaisées.
À travers eux, nous assistons à la naissance de cette grande nation moderne, l’Italie, accouchée par les complots de politiciens, de terroristes et de mafieux.