Du printemps à l’automne, les choses se passent ainsi à Fontvieille, porte ensoleillée des Alpilles : à la nuit tombée et celui qui parle, parle à voix basse. De temps en temps, il se tait pour laisser la parole aux grillons. Puis, il reprend sa narration en veillant à choisir ses termes, un à un, après hésitation, comme des fruits. Je sais d’expérience qu’un mot impropre suffit à détruire la perfection de la nuit. Un récit bancal dérangerait, peut-être pour toujours, l’équilibre miraculeux des lueurs, des parfums, des murmures, des bruissements et des ombres. Le rituel est celui d’une grand’messe chuchotée, avec un officiant, des servants et des fidèles qui se mêlent à l’action quand le besoin s’en fait sentir, ou simplement quand ils en ont envie. Souvent, il s’en trouve un qui a été mêlé à l’histoire et qui rectifie des détails ou apporte des précisions. Commencé par un soliste, le récit se poursuit alors à deux ou à plusieurs voix. Ce genre de « happening », chez nous, on l’appelle modestement « prendre le frais ». De ces nuits de Fontvieille, plus belles que vos jours, j’en ai savouré plus de mille. Et je compte en savourer plus de mille encore. Et plus de dix mille, si le Bon Dieu me prête vie. J’aimerais tant les vivre avec vous jusqu’à la fin des siècles.