Il ne faut pas regarder à l’intérieur, parce qu’il fait trop sombre. Ainsi, à l’avance, Antoine Blondin écartait-il toute tentation pour ceux qui voudraient percer le mystère de sa vie. Trois ans après sa disparition, son ami de toujours, Yvan Audouard, lui consacre donc, au-delà de la biographie traditionnelle, un livre d’admiration et d’émotion. Le Blondin d’Audouard, c’est un ange cabossé, lâché à 18 ans dans la débâcle, qui vit sa jeunesse aux côtés de tous les vaincus de l’Europe... Condamné d’emblée à la nostalgie, amoureux à jamais d’un honneur et d’une fermeté morale appartenant au passé, perdu entre ivrognerie créatrice et alcoolisme destructeur, il s’est réfugié dans une futilité profonde et désespérée. C’est cette matière qui constitue l’essentiel de son œuvre, de L’Europe buissonnière à Monsieur Jadis, de L’Humeur vagabonde à Un singe en hiver. C’est elle qu’Yvan Audouard capture dans son récit – roman picaresque d’une génération qui se perd, roman des amitiés plus belles que les amours, tristesse gaie d’un homme qui lit Colette tandis qu’autour de lui les maisons s’effondrent. Loin des légendes, loin des anecdotes de comptoir, c’est un autre Blondin qui se dessine ici – un grand écrivain réfugié dans l’ailleurs, dans l’enfance, l’incarnation d’un hussard qui brûle les dernières cartouches de la légèreté du monde...