Quand on survit au pire des massacres, on reprend son souffle, on respire, on aspire à l’éclat, aux musiques sonores, aux couleurs aveuglantes, et la folie s’empare de tout changer : mode de vie, mœurs, et décor. Le mythe de la nouvelle femme précède le changement de décor : sans corset, nuque rase et jupe brève, « La Garçonne », héroïne du roman de Victor Margueritte, revendique l’union libre. C’est le scandale. Choisir ses amours, prévoir l’enfant, ne pas s’enfermer dans ce foyer que l’on voudrait vous voir réintégrer après vous avoir fait conduire des tramways, tourner des obus et coudre des capotes : c’est le rêve de la femme des années 20 ; elle aspire à vivre à 100 à l’heure ; elle prend le volant, fonce dans les carrières d’hommes, reconquiert la haute couture, saute les barrières du barreau et de la médecine, pénètre dans les grandes écoles, dans les laboratoires, sur les stades, et réussit ; Irène et Marie Curie, Schiaparelli et Lanvin, Suzanne Lenglen et Hélène Boucher en témoignent. Conscientes de leurs droits, désormais les femmes les défendent, regroupées autour de la duchesse rouge Edmée de la Rochefoucauld, et de la bouillonnante Louise Weiss. La TSF pénètre dans les familles et dans les ateliers ; le film parle et chante ; Hollywood propose des rêves et des modèles ; on danse le charleston et la biguine ; c’est le triomphe de Joséphine Baker, de Mistinguett et de Cécile Sorel. L’expo des Arts-Déco change le style. En tête des femmes créatrices, Sonia Delaunay transforme murs et vêtements. Sonia est venue de Russie comme Gertrude Stein d’Amérique et Nancy Cunard d’Angleterre ; Paris qui bouge et qui scintille attire les belles étrangères. Ces années-jazz, ces années-changement, ces années-paillettes, Dominique Desanti les raconte avec le souci de l’historienne et le talent de la romancière, parsemant son récit de portraits de femmes connues ou anonymes : Colette, Misia Sert, Maryse Bastié, l’algébriste, La Argentina, Germaine Richier ou la pharmacienne corsicoise. La Femme au temps des Années Folles, est le cinquième livre de l’auteur (après “La Banquière des années folles : Marthe Hanau”, “Drieu la Rochelle, le séducteur mystifié”, “Sacha Guitry, cinquante ans de théâtre”, couronné par l’Académie française, et “Les Clés d’Elsa, Aragon-Triolet” Prix Caze 1984) sur cette époque qu’elle connaît particulièrement bien.