J’ai voulu, dans ce livre écrit par élans et par éclairs, diagnostiquer les raisons du désastre, du désordre et du désespoir qui plie les genoux d’un Occident à bout de souffle, de mythes, de style et de morale. Longtemps j’ai moi-même pensé à l’unisson de notre décadence et j’y ai trouvé toutes les délices et toutes les facilités. Après tout, se laisser rouler par les vagues, même si la mer est polluée, procure d’évidents plaisirs. Un bel avenir de mouton intellectuel bêlant les utopies moralistes du temps m’était ainsi promis. Encore faut-il, au long de ses réflexions, pouvoir se supporter en étranglant chaque matin, à l’aube, des lucidités toujours renaissantes. Le siècle est fou. Fou de lâchetés, de démissions, de mensonges, d’impostures et de laideur, et ce qu’on y appelle « crise de civilisation » n’est en vérité que le refus apeuré de toute hauteur. Je n’en pouvais plus. J’ai voulu témoigner. Il faut tout de même — lorsqu’un temps à venir s’étonnera de nos débâcles — que nos petits-neveux sachent que quelques soldats refusèrent de jeter les armes et de lever les bras.