Un monde en décomposition. Un monde asservi aux mythes les plus divers, englué dans toutes sortes d’habitudes et de rites. Deux familles : les Pointreau, les Leconte-Coutreuil. Les Pointreau vivent dans une vieille maison humide et ténébreuse. La grand-mère, une vieille Russe qui passe son temps à manger des pots de confiture, tricoter, faire tourner les tables et torturer ses deux bassets. Une vieille avare hautaine et cassante. Son fils, un défroqué qui a sombré dans l’alcoolisme ayant été séduit, comme jeune prêtre, par une petite vendeuse qu’il a épousée, Ghislaine, et qui, atteinte d’une maladie incurable, erre en gémissant dans la grande maison. Ils ont eu cinq enfants : Thierry et Gisèle, deux gamins espiègles, Solange une petite oie de vingt ans, tôt adonnée aux plaisir de la chair, une fille idiote de naissance, Constance, que l’on séquestre, enfin Augustin qui ne se sépare jamais de son lévrier, qui a dressé un gigantesque dossier de chantage, tant sur sa famille que sur ses relations, et qui a deux amours, l’argent et la lune. Chaque personnage peuple la maison de ses hantises et de ses rêves. L’autre famille, les Leconte-Coutreuil, illustre la phrase de Barrès : “Ce bel équilibre des imbéciles.” Ici, pas de folie, pas d’obsession, mais l’intelligence banale, la fantaisie banale, le sens du devoir, de l’honneur. Dans cet univers d’esclaves, où chacun tend à devenir son propre rôle, où tout devrait s’arranger puisque nul ne veut s’écarter de sa fonction : maladie, ivrognerie, maîtresse de maison, père de famille, Augustin l’étrange, le séduisant, l’inquiétant, sera la faute de calcul. Il va manier ces marionnettes, et suscitant, par ses machinations l’intrigue du récit, les plongera plus avant dans leur esclavage, en dénonçant publiquement les vices qu’ils se dissimulent mutuellement ainsi que leurs morales mesquines, faites de peurs, de tabous, de complexes, et en y substituant une morale de l’exaltation et de l’exigence.