Texte intégral révisé suivi d'une biographie d'Herbert Marcuse. Dans "Éros et civilisation", Herbert Marcuse renouvelle l'interprétation marxiste des structures sociales répressives à la lumière d'une relecture de Freud. Il conteste le freudisme comme théorie de l'intégration psychologique individuelle dans la société et renverse la conception freudienne des pulsions. Il y découvre aussi toute l'importance de l'imagination et des forces d'utopie qui, à l'œuvre dans l'art, par exemple, semblent renfermer la promesse d'un accomplissement du principe du plaisir. Au lieu de voir dans la pulsion de mort le principal moteur de la destinée humaine, il soutient que Éros (ou principe de plaisir) est la seule force capable de lutter contre l'ordre établi (principe de réalité) et contre Thanatos, source de toutes les résignations et de tous les pessimismes. Il s'agit pour lui, exactement comme le fait Jacques Lacan à la même époque, mais par d'autres moyens, de redonner au freudisme ce statut de doctrine subversive qu'il a perdu à force de s'édulcorer au contact des psychothérapies hygiénistes et pragmatiques des sociétés industrielles normalisées. Marcuse prône ainsi une théorie de la libération qui le conduit à imaginer une société fondée sur le dépassement des conflits et la possible pacification de l'existence.