Faire avouer le pécheur pour qu'il reçoive du prêtre le pardon divin et s'en aille rassuré: telle a été l'ambition de l'Eglise catholique, surtout à partir du XIIIe siècle, lorsqu'elle a rendu la confession privée obligatoire chaque année et qu'elle contraint à l'aveu détaillé de tous les péchés mortels.
En prenant ces décisions l'Eglise romaine ne mesurait sans doute pas quelle avalanche de problèmes elle allait déclencher. A l'Age classique, la pratique pénitentielle suscita des débats qui passionnèrent Pascal, Boileau et Bossuet. Confidence volontaire des péchés ou aveu autoritairement décrété? Morale de la compréhension ou rigidité élitiste? Les débats furent vifs. Ils subsistent toujours.
Quel fut le comportement réel des confesseurs? Comment les chrétiens vécurent-ils cette obligation de la confession? Les conseils d'écoute bienveillante donnés aux confesseurs renvoient indiscutablement à la difficulté psychologique de l'aveu, en particulier celui des péchés sexuels.
La confession a voulu rassurer, mais c'était après avoir inquiété le pécheur. Elle a affiné la conscience, fait progresser le sens des responsabilités, mais elle a aussi suscité les maladies du scrupule et fait peser un joug très lourd sur des millions de fidèles. La confession des péchés, qui n'a d'équivalent dans aucune autre religion, bouleversa le vécu religieux. Aujourd'hui encore nous restons marqués par cette formidable contribution à la connaissance de soi.
Jean Delumeau, membre de l'Institut, professeur au Collège de France, est l'auteur de nombreux ouvrages, dont La Peur en Occident (Fayard, 1978), Le Péché et la Peur (Fayard, 1983), Rassurer et protéger (Fayard, 1989).