Dans l’Occident des xvie-xviiie siècles, quelles relations réciproques soudaient les comportements religieux d’une communauté reconnue comme significative à son outillage mental, à sa grille de concepts, à son échelle de valeurs, à son type d’émotivité ? Il s’agit de tenter l’appréhension globale du vécu religieux et d’évaluer, dans des espaces et des temps dits « de chrétienté », l’intégration au sens commun du modèle de christianisme de l’époque. Celui qui nous sert de paramètre, c’est moins le syncrétisme médiéval que la religion de l’âge classique à la fois unanimiste et austère et qui, beaucoup plus que celle du Moyen Âge, voulut au niveau des masses transformer réellement le prescrit en vécu et l’idéal de quelques-uns en vie quotidienne de tous. Et, s’il est vrai que ce modèle de christianisme est à l’arrière-plan de notre discours actuel sur la déchristianisation, alors il faut conclure que la grande christianisation de l’Europe est un fait relativement récent. Car ce sont les deux Réformes, protestante et catholique, qui ont répandu dans les campagnes où vivait l’immense majorité de la population le type de religion et de pratique religieuse qui nous sert de référence pour apprécier la situation présente.