'Avant d'écrire, l'écrivain choisit, autant que possible, la langue dans laquelle il va rédiger ce qui lui semble nécessaire d'être dit. [...] Un problème se pose actuellement aux écrivains français, bien que la plupart d'entre eux ne s'en doutent même pas. En effet, il existe actuellement deux langues, celle qui continue à être enseignée (plus ou moins mal) dans les écoles et à être défendue (plutôt mal que bien) par des organismes officiels, comme l'Académie française, et la langue parlée, je ne dis même pas la langue populaire. Que le français actuel ne soit plus le même que celui des Académies, non pas seulement la française, déjà citée, mais celles entre lesquelles est partagé le territoire français pour la distribution de l'enseignement, c'est là une vérité élémentaire. Toute la question est de savoir jusqu'où va cette différence, et s'il la faut accentuer ou bien au contraire la réduire. [...] Il y a deux langues distinctes : l'une qui est le français qui, vers le XVe siècle, a remplacé le francien (la traduction s'impose pour presque tous les textes avant Villon), l'autre, que l'on pourrait appeler le néo-français, qui n'existe pas encore et qui ne demande qu'à naître. Il est en gestation. Sa naissance n'est pas facile. [...] Le problème du néo-français est posé. Il n'est posé que depuis plusieurs années. L'accouchement sera laborieux. L'écrivain français doit aider à cette parturition, son travail, son œuvre doit être une maïeutique linguistique.'