Sur le monde je porterai le regard clair prêté par l’aigle à Ganymède », écrivait Jean Genet dans le Journal du voleur. Énigmatique et silencieux, arraché à la terre par l’aigle de Jupiter, le jeune Troyen devint l’échanson des dieux, immortalisé dans la constellation du Verseau. Avant que la critique contemporaine fasse de lui un emblème de l’homosexualité, Ganymède a inspiré autant les arts figurés (Botticelli, Le Corrège, Michel-Ange, Rubens, Rembrandt, Flatters, Thorvaldsen, Pallez, Turcan…) que, depuis les épisodes homérique et ovidien, une riche littérature : on le retrouve en particulier dans l’œuvre de Dante, de Góngora, de Du Bellay, dans le théâtre de Marlowe et de Shakespeare, à l’âge romantique dans le poème de Goethe devenu lieder de Schubert et de Wolf, dans les poésies de Hölderlin, de Lamartine et de Musset, au siècle suivant dans les œuvres de Jacques d’Adelswärd-Fersen, de Forster, de Thomas Mann… Ganymède illustre la beauté du corps masculin et son érotisme, mais aussi une idée de la jeunesse éternelle ; son rapt peut être une image du sublime, et, par sa fonction d’échanson divin, il incarne une certaine conception de l’inspiration et de l’enthousiasme poétiques dont on trouve un pendant dans les poésies arabe et persane. Les études ici réunies se proposent, dans une perspective comparatiste et pluridisciplinaire, de découvrir la complexité et les enjeux de ce mythe étonnamment moderne.