On le sait peu, mais près d’un litre sur dix de l’essence vendue aux automobilistes français provient du delta du Niger. Cette région, qui ne doit pas être confondue avec le delta intérieur du Niger au Mali, se trouve sur la côte atlantique du Nigeria anglophone, le pays le plus peuplé d’Afrique et l’un des principaux producteurs de pétrole du continent. Ce dédale de criques, immense, s’étale sur des centaines de kilomètres et constitue le plus vaste delta d’Afrique – le troisième au monde par son étendue. Une grande insécurité caractérise aussi la région, liée à des conflits qui mêlent groupes armés et contrebandiers en tous genres, trafiquants hier d’esclaves, aujourd’hui de fûts de pétrole. Pour beaucoup d’observateurs, la ruée vers l’or noir est à l’origine de ces troubles. Le pétrole serait une malédiction, et le Nigeria un exemple emblématique de gaspillage financier, de gâchis industriel, de corruption endémique, de mauvaise gouvernance, de criminalité violente. Or, à y regarder de plus près, les nombreux conflits qui secouent le delta du Niger ne peuvent être réduits à une simple opposition entre des pêcheurs, des militaires et les multinationales du pétrole. La production d’hydrocarbures ne constitue qu’un des éléments d’un problème dont les racines sociales et communautaires sont beaucoup plus profondes.