Traiter de la Terre, c'est avoir à l'esprit une chaîne symbiotique : celle du vivant, dans ses innombrables déploiements. Les humains, les espèces animales et végétales, les microbes, bactéries et virus, les corps inorganiques et les substances minérales ainsi que les dispositifs technologiques et autres appareillages artificiels font inséparablement partie de cette chaîne du vivant. Mais c'est aussi le cas, du moins dans les pensées animistes africaines, de toutes les forces invisibles, des génies, des esprits et des masques.
Prenant fermement appui sur l'insondable richesse de ces pensées, Achille Mbembe propose dans cet essai une réflexion stimulante sur la Terre, ses devenirs, et surtout la sorte de communauté qu'elle forme avec la cohorte des espèces animées et inanimées qui l'habitent, y ont trouvé refuge ou y séjournent.
Il montre comment notre relation fondamentale à la Terre ne peut être que celle de l'habitant et du passant. C'est en tant qu'habitant et passant qu'elle nous accueille et nous abrite, qu'elle entretient les traces de notre passage, celles qui parlent en notre nom et en mémoire de qui nous aurons été, avec d'autres et au milieu d'eux. C'est à ce titre qu'elle est la toute dernière des utopies, la pierre angulaire d'une nouvelle conscience planétaire.