Sont étudiées ici, de façon interdisciplinaire, les origines et les finalités des chiffres dits publics et des chiffres dits privés. En analysant leurs conditions, historiquement situées, de production, de diffusion et d’utilisation, leurs définitions s’avèrent instables et leurs frontières poreuses. Des institutions publiques ont besoin de la collaboration de particuliers et d’entreprises pour produire des statistiques rendues publiques. Certains chiffres demeurent confidentiels pendant une certaine période avant leur publicisation. Des acteurs privés utilisent des données publiques pour produire des chiffres à usage privé. À cette privatisation de chiffres publics s’ajoute une reprivatisation de données privées après leur publicité. Si des conflits opposent parfois les producteurs privés et publics de données, les deux catégories de chiffres résultent principalement de compromis, d’emprunts, de transferts et de co-construction. De l’Ancien Régime à nos jours, l’ouvrage aborde, en France, dans son empire et à l’étranger, les secrets des affaires et des statistiques, les recensements, les indices des prix, le cadastre, le contrôle du bilan des entreprises, la privatisation des normes comptables publiques et privées, et le développement d’acteurs privés de la statistique. Ce volume met ainsi en évidence, sur la longue durée, la singularité de notre époque qui apparaît comme une ère nouvelle : celle du chiffre hybride, avec ses antagonismes d’usages et de légitimités.