Comment retrouver les paroles de la communication orale d’autrefois, dont la forme la plus massive au Moyen Âge a été la prédication adressée aux assemblées de fidèles, notamment en ville à partir du xiiie siècle ? À défaut de disposer comme aujourd’hui d’enregistrements verbatim, il y faut le témoignage d’auditeurs attentifs. Exercés à la prise de notes, ils étaient aussi capables de restituer avec un certain degré de fiabilité ce qu’ils avaient entendu, en combinant dans leurs manuscrits à usage privé les notes consignées à la volée sur leurs tablettes de cire ou sur des rebuts de parchemin avec ce qu’ils retenaient directement dans le « ventre » de leur mémoire. L’écho des paroles vives existe bien, dans une version écrite où domine le latin mais où la syntaxe, la morphologie et quelquefois même le vocabulaire sont ceux de la langue vernaculaire dont usaient les prédicateurs dans leurs sermons au peuple. Au xiiie siècle cette circulation de la parole en chaire est bien perceptible à Paris : elle y est précoce, abondante et persistante. Venus de partout en Europe, les étudiants de la Faculté de théologie se forment alors à la communication du message religieux en allant écouter prêcher dans les lieux les plus divers. Le propos de ce livre est d’exploiter les notes qu’ils ont prises et mises en ordre, et d’inscrire cette activité dans l’environnement passionnant des échanges culturels résultant de la prédication, aux premiers moments du temps long où elle fut renouvelée et singulièrement amplifiée en Europe par les frères mendiants.