La résistance au protestantisme, durant les années de paix qui suivent l’édit d’Amboise, fut ritualisée par le miracle de Laon (1566), dont l’actrice principale fut la jeune femme, Nicole Obry, originaire de Vervins en Picardie. Possédée d’une trentaine de diables « elle en était tellement tourmentée qu’on lui oyait craquer les os... » - disait à l’époque Florimond de Raemond. Suite aux exorcismes successifs, effectués à l’aide de l’hostie (donc du « corps de notre Seigneur ») les diables quittent la jeune femme. Seul Beelzebub résiste. Enfin, le 6 février 1566 lui aussi sort, s’inclinant ainsi devant le pouvoir épiscopal. Le présent ouvrage est le premier à examiner les divers récits dont fit l'objet le miracle de Laon entre 1566 et 1578. Le cabaliste chrétien, Guillaume Postel, y voit la réalisation de la suprématie politique et religieuse « gauloise » et le début de l’ère nouvelle. Jean Boulaese, amanuensis de Postel et chroniqueur le plus zélé du miracle, considère celui-ci tantôt comme moyen d’obtenir de l’argent en vue de l’impression de la Bible en langue arabe, tantôt comme moyen de promouvoir sa propre carrière. Christophe de Héricourt, doyen de Laon, et chroniqueur dit « officiel » ou « royal », veut surtout éviter d’offenser les huguenots. Enfin, Barthélemy de Faye, conseiller-clerc au Parlement de Paris, cherche par son récit, à faire de la propagande tant pour les décrets tridentins sur la résidence des évêques que pour un gallicanisme modéré. Les récits du miracle de Laon fournissent ainsi un excellent témoignage de la diversité des catholicismes français à l’époque mouvementée des guerres de religion.