À la différence des pensées antiques qui, invitant à se connaître soi-même, détachent l’âme du corps, la pensée chrétienne élabore une conception du corps étroitement solidaire de l’âme : celle-ci n’est tout à fait elle-même qu’unie au corps qu’elle anime. Or la médecine sait à quel point la vie intérieure du corps nous échappe. Si la Renaissance est ardemment attentive à l’anatomie, de grandes pensées expriment de fortes réserves sur la validité de ce savoir qui pourrait bien n’être qu’un trompe-l’oeil. Plus généralement comment définir le rapport de l’âme et du corps ? Les métaphores qui tentent de le décrire sont aussi nombreuses qu’imparfaites, comme est vif l’intérêt pour ces individus qui vivent ce rapport dans l’incertitude, l’instabilité ou l’inquiétude : le lycanthrope, qui, comme on dit alors, « se met en loup », l’ensorcelé, le fou. À défaut de pouvoir scruter l’intimité des corps, d’être en état d’en franchir la clôture, il faut mettre en place des procédures indirectes d’observation, édifier un complexe savoir conjectural qui sache repérer et croiser les signes. Nous n’avons pas complètement renoncé à ces représentations.