Après de grandes pertes, la mémoire menace de disparaître. Le langage se fractionne. La page blanche se confond aux draps du lit, « la mer inonde notre regard ». Que faire pour résister à l’aphasie qui s’installe, sinon un poème? « Écrire, c’est interroger la relation compliquée entre un grand événement historique et un événement plus intime, national; entre un deuil personnel et un deuil historique; entre notre façon individuelle de nous imprégner de l’histoire et notre façon collective de la commémorer. » Avec sobriété, marquée par une dévotion pour la vie et pour la mort, l’écriture d’Anne Michaels se risque ici à la limite du connaissable. Elle contemple « le moment où le désir / devient par force / le deuil ». Tout ce que nous avons vu est une main tendue, un geste d’audace et d’amour pour ressaisir la mémoire.