Lorsque Charles Sorel publie sa Description de l'île de Portraiture et de la ville des Portraits en 1659, la « fureur » de se faire peindre a gagné le milieu mondain, tandis que de nombreux écrivains s'adonnent à la manie des collections de tableaux. Parallèlement, la mode du portrait littéraire atteint son apogée. Sorel témoigne de cet engouement en traçant le parcours d'un « curieux », Périandre, dans une île peuplée de portraitistes « de toutes sortes ». A l'observation de ces artistes se juxtapose la satire de leurs vaniteux modèles, dont le corps travesti et le visage masqué n'attendent qu'à être découverts et ridiculisés.
Les extraits que publie Martine Debaisieux en annexe à son édition indiquent que la production romanesque de Charles Sorel privilégiait déjà la portraiture. Mais, dans son voyage imaginaire, où se mêlent fantaisie et critique, l'auteur va plus loin. S'il révèle une fois de plus les vices de son siècle, il expose aussi ouvertement les impostures de la mimésis et le mensonge des « figures » - qu'elle soient tracées par la plume ou par le pinceau.