Si les violences et les conflits ruraux ont fait l’objet d’importants travaux, il n’en est pas de même pour la justice. En effet, « la justice à la campagne » a été en grande partie délaissée par la recherche. Or la notion de justice, placée aujourd’hui au centre de nombreux travaux et réflexions, tant à l’échelle européenne qu’à l’échelle internationale, s’avère ambivalente et complexe puisqu’elle peut aller de la demande d’une meilleure justice sociale à la volonté de saisir les inégalités socio-spatiales afin d’assurer des aménagements du territoire qui correspondent aux aspirations des acteurs. Dans les perceptions communes, la justice se confond avec l’institution judiciaire, c’est-à-dire avec le « système des tribunaux », mais elle déborde le seul examen de l’appareil judicaire. Prise dans l’univers des sociétés rurales, la justice est un outil de régulation sociale et d’arbitrage, mais elle est aussi prise dans une multiplicité d’usages, depuis les stratégies d’évitement jusqu’à des processus d’instrumentalisation en passant par des formes d’ignorance réciproques. Pour aborder ce vaste champ de recherche, trois entrées ont été privilégiées. La première traite plus particulièrement de la justice spatiale et de l’équité des territoires. La deuxième aborde la question de la proximité et du pluralisme, la troisième et dernière est consacrée aux processus d’instrumentalisation et d’accommodation. Le présent ouvrage, issu des travaux de chercheurs venant de plusieurs disciplines (histoire, droit, sociologie, géographie, histoire de l’art) a pour ambition de confronter les approches, de rendre compte de la vitalité de la recherche et des enjeux qu’elle révèle en les inscrivant dans la longue durée, de la fin de l’Ancien Régime à nos jours.