Dans ce nouveau livre, l’auteur du Désordinateur s’attaque avec une véhémence, tempérée d’humour, au futurisme, ce fléau du présent qui sévit de Rome à Dauphine, de Berkeley à Hiroshima, de Santa Monica à Novossibirsk, de Harvard à Arc-et-Senans. Nos “prévisionnistes” ont bonne conscience, bercés par leurs illusions. Le drame commence lorsque, mal réveillés, les hommes tiennent pour vraie une mystification. Ainsi se dessinèrent à grands traits – selon les presbyties ou les myopies des prévoyants – le profil mussolinien de l’an 1985, la silhouette bourrelée de repentirs du XXIe siècle, la face cachée de l’an 2000. Des caricatures capables, tout au plus, d’amuser des enfants. Celui qui s’adonne à une tendance – si objectif qu’il soit ou qu’il paraisse – ne saurait être que tendancieux. Bien que fanatique du bricolage, Pascal n’eût jamais rédigé un ouvrage de prospective intitulé 1785... Et c’est dans une spiritualité dépourvue de tout esprit prospectif que Bossuet “oraisonnait” sur l’au-delà. L’ordinateur, il est vrai, n’était pas encore né pour multiplier la présomption de l’homme par l’infini de l’avenir. L’humanité ignore ce qui l’attend au premier tournant a fortiori aux suivants. Tout événement nouveau dépasse et confond nos “informagiciens”. Si le présent est gros du futur, le moins que l’on puisse assurer, c’est qu’il fait souvent fausse couche. Il est confortant que soient, de temps à autre, mystifiés les mystificateurs. Une nouvelle fois, nous devons cette satisfaction à Georges Elgozy.