Animés d'une volonté de changement, nos dirigeants ont décidé, à la suite d'une longue série de changements dans divers secteurs, de réformer l'entreprise. Or, l'entreprise, organisme privé d'intérêt public, est le cœur même d'une société dont elle encaisse de plus en plus mal les coups, les à-coups, les contrecoups. Plus que de réforme, c'est de sauvetage qu'il devrait être question. Victime des pesanteurs sociologiques et de l'énergie de la crise, l'entreprise est en péril. On peut craindre que, sous les coups de pouce des gouvernants, et sous les coups de force des syndicats révolutionnaires, l'entreprise-panacée ne finisse par assumer la plupart des fonctions dévolues jusqu'ici aux organes de la cité ou de l'État. Nos entreprises réformées ne se changent-elles pas, progressivement, en paroisse, en marché, en maison de la culture, en université, et même en forum ? De ce séisme de réformes pourrait bien jaillir une éruption de paternalisme à odeur de soufre. Les secousses des revendications systématiques précipiteraient ainsi le salariat dans les crevasses de l'ère tertiaire, ou dans les culs-de-basse-fosse d'une féodalité plus contraignante que l'État. D'autre part, les menaces de chômage et les maléfices des mauvaises gestions ne disparaîtront pas comme par magie à l'arrivée de membres du prolétariat dans les conseils de surveillance... Les désenchantements ultimes accablent toujours l'homme à proportion de ses enchantements initiaux. Par l'auteur du Bluff du futur et du Désordinateur.