L’avènement, au milieu des années 1980, d’un roman dit “impassible” a piqué l’attention de la critique qui a vu là l’émergence d’une littérature de l’ère du vide - l’expression nouvelle d’une manière d’être au monde légère et désabusée. Apparu aux éditions de Minuit, ce mouvement, dont Echenoz et Toussaint sont les plus dignes représentants, a semblé à beaucoup dans la descendance directe du nouveau roman mâtiné d’un zest de formalisme ludique. Chevillard, souvent rapproché d’Echenoz et Toussaint pour sa prose désinvolte et grave, a connu dans le même temps la faveur d’une critique exigeante qui a vu chez lui le triomphe de l’ironie et de la subversion douce. Tous les trois ont en partage d’avoir incarné avec l’apparition de leurs premières œuvres un renouveau narratif joueur et cyclothymique. Qu’en est-il vraiment de ce renouveau narratif résolument ludique ? Est-il aussi léger qu’on a bien voulu le croire ? Quelles sont ses formes et ses expressions ? Que signifie-t-il ? Que dit-il du monde contemporain et de la place qu’y occupe la littérature ? C’est à toutes ces questions que ce travail espère proposer des éléments de réponse en faux contre les discours convenus sur la mort du roman et le règne de la frivolité.