L'auteur des "Vies imaginaires" a rencontré le modèle de son héroïne en 1891. Selon Jules Renard, c'était une petite prostituée simple d'esprit qui mourût à l'âge de 25 ans. Figure ici du nihilisme, du dénuement et de la compassion, la Monelle imaginée par Marcel Schwob doit sans doute plus à la Sonia dostoïevskienne de "Crime et Châtiment". Initiatrice évanescente et fugitive, elle révèle une sagesse nouvelle: sa volonté de destruction, sa négation de toute permanence, son dépouillement de soi, constituent un enseignement qui condamne l'illusion de la durée et vise à la pure connaissance de l'instant. Ses sentences préconisent l'oubli de soi: "Ne te connais pas toi-même", "oublie-moi et je te serai rendue",... S'effaçant devant ses onze soeurs (l'égoïste, la sacrifiée, la rêveuse, la fidèle, la perverse, l'insensible,...), toutes étapes de son ascèse intérieure, elle ressuscite pour s'accomplir dans le royaume blanc de l'enfance. Marcel Schwob distille ici en virtuose les philtres du meilleur symbolisme et du préraphaélisme finissant: nuances crépusculaires, plaines automnales, érotisme pédophile.