Si la littérature québécoise des années 1960 et 1970 a pu accompagner l’esprit de renouveau et de fondation ayant marqué la Révolution tranquille et l’entrée du Québec dans une modernité si longtemps attendue, que nous disent de notre société et de nous-mêmes les œuvres qui s’écrivent et se publient aujourd’hui ? Et inversement, qu’est-ce que les conditions nouvelles dans lesquelles nous fait vivre la société contemporaine nous permettent de comprendre aux œuvres du passé ? C’est à cette double interrogation – à ce dialogue de la littérature et du monde, du présent et du passé, de l’ici et de l’ailleurs – que se livre Michel Biron dans les textes de ce volume, des textes qui relèvent à la fois de la critique littéraire la plus attentive et de la réflexion la plus audacieuse sur cette « conscience du désert » qui hanterait la littérature québécoise depuis ses origines, mais serait aussi l’une des marques de notre modernité libérée de toute contrainte, privée de tout repère. Qu’il s’agisse de lire la littérature québécoise (Réjean Ducharme, Suzanne Jacob, André Major, Pierre Nepveu ou Marie-Claire Blais) comme si on était un « lecteur étranger », de lire la littérature étrangère (Michel Houellebecq, Philip Roth ou les écrivains belges) en « lecteur d’ici », ou d’aborder les œuvres du passé en dehors des interprétations convenues, l’essayiste use partout de la même liberté, de la même lucidité, du même souci de saisir ces « cassures » dans lesquelles notre monde étrange a pris forme.