Les 7 et 8 mars 2007 s'est tenu au palais de justice de Paris un procès suivi dans le monde entier : celui des "caricatures". Un an auparavant, Charlie Hebdo avait décidé de publier des caricatures du Prophète Mahomet, accompagnées d'un appel à la lutte contre l'islam radical - ce nouveau mal totalitaire. On voyait en Une le Prophète, débordé par les extrémistes, se tenant la tête entre les mains : « C'est dur d'être aimé par des cons.... »
Deux jours d'audience agitées, sous haute protection, comme au théâtre de notre démocratie, combattante et menacée. Avec en première ligne, Philippe Val, Elisabeth Badinter, François Hollande, François Bayrou et tant d'autres, défendus par leurs avocats : Georges Kiejman et Richard Malka. Face à eux, des associations réclamant la censure du journal : la Mosquée de Paris et l'UOIF, entres autres.
Ce qui se joua, pendant ces deux journées, devant la presse internationale ? Le droit de se moquer des idées, des religions. Le droit à la caricature. Le droit à l'irrévérence. Le droit au libelle, à l'excès, dans la tradition française du dessin de presse, du libelle révolutionnaire. Le droit à l'ironie salvatrice. Les débats furent âpres, décisifs ; juridiques aussi.
Il était temps de rendre aux citoyens deux textes fondateurs - les plaidoiries de Malka et Kiejman - éloges superbes de la liberté de pensée, déconstruisant le totalitarisme en chemin ; moquant les censeurs ; défendant, comme une valeur supérieurement belle, le droit à rire non des êtres mais de leurs idées ; et confiant au lecteur les tendres armes démocratiques pour continuer de rire, d'éveiller, de croire ou de ne croire en rien.
Plus tard, on le sait, Charlie Hebdo titrera "Charia Hebdo", sera incendié, puis connaîtra le drame de janvier 2015, avec son cortège de morts. Le procès de l'année 2007 est historique : comme un nœud, comme la répétition originelle d'un drame qui ne cessa de se répéter.