Le nouvel ordre économique néolibéral modifie la division internationale du travail, ce qui entraîne un accroissement des populations migrantes de travailleurs et de travailleuses. Actuellement, une personne sur dix dans les régions développées est migrante, et les femmes représentent la moitié de ce nombre. Longtemps, pourtant, la figure du migrant a été représentée comme masculine, en raison des représentations stéréotypées ou erronées du rôle et de la place des femmes et des hommes dans les sociétés, et les recherches ou programmes relatifs aux migrants ont ignoré la composante féminine des migrations. Or, les femmes migrent bien, elles aussi. Une grande partie des femmes migrantes – même qualifiées – travaillent dans le secteur des soins ou des emplois domestiques. Le transfert international des soins et de l’attention aux autres (care) – sorte de nouvelle matière première extraite des pays du Sud pour être consommée dans les pays riches – est un nouvel échange inégal. Les espaces où se réalise le travail des migrantes restent souvent invisibles, lieus de peu de droits. Si les discriminations et les abus sont à dénoncer, l’image de victime accolée aux migrantes et cependant loin de convenir. La trajectoire migratoire demande pugnacité et courage. Et nous pouvons nous demander s’il ne s’agit pas du départ des personnes les plus combatives de la société... Les identités se transforment dans l’expérience de la migration : comme le dit l’une d’elles, « je ne suis plus celle que j’ai laissée derrière moi ». Des réseaux transnationaux se construisent, accompagnés d’une circulation d’idées, de nouvelles représentations, de projets, de flux financiers. En 2002, les revenus du travail des migrants atteignaient 73 milliards de dollars, un montant plus élevé que celui de l’aide internationale au développement. Un nouvel ordre colonial s’instaure avec la nouvelle division internationale du travail. Mais les migrations des femmes et des hommes à travers les pratiques sociales nouvelles, les transformations des identités, les renégociations des rapports de genre et la constitution de réseaux transnationaux, contribuent peut-être aussi à la recherche d’alternatives pour toutes et pour tous.