Les chemins ont d’étranges destins. D’abord, ils suivent les pas furtifs qui les tracent, les créent au hasard des départs. Puis, ils précèdent ces mêmes pas avec d’orgueilleux méandres, pleins de promesses de bout du monde et d’immortalité. Enfin, malgré eux, vaincus par l’indifférence, ils se perdent, se fondent dans l’intimité des terres qui est aussi celle du temps. Le destin des êtres est semblable à celui des chemins. Cependant, lorsqu’ils ont rejoint l’invisible, quelqu’un toujours se souvient d’eux et s’emploie, dans une fervente solitude, à dresser la carte des songes qu’ils furent. Dans La Nuit Étoilée, ce voyage vers les amonts de la mémoire commence par la rencontre d’un petre aux yeux de braise, ruisselant de lumière, arrêté sur le bord d’un sentier pour un étrange rendez-vous, un midi de plein soleil, à Saint-Rémy de Provence… Il continue dans une ferme perdue qui existe aujourd’hui quelque part, réfugiée derrière deux regards au simple et poignant secret. Puis, des bribes de sonate, échapées d’un piano prisonnier, conduisent vers une manoir où s’achève une effrayante exécution. Sous le porche d’une église, un clochard attend sa consécration. Plus loin, un vagabond rejoint l’automne, guidé par les pas d’un cheval aveugle. Quatre condamnés, dans la charrette qui les emporte, regardent l’échafaud, Place Royale, mystérieusement sereins. Un vieux soldat livre et perd son premier combat contre lui-même… Douze nouvelles sont proposées dans ce deuxième recueil de Jean-Joseph Julaud. Douze personnages que l’on suit à travers des paysages tendus dans le silence, réconciliés avec les saisons. Personnages vaincus par l’indifférence peut-être, dignes de pitié sans doute, mais qui emportent avec eux la certitude que se perdre dans l’intimité des terres et du temps constitue, pour n’importe quel destin, n’importe quel chemin, la seule victoire possible.