Au lever du rideau, le marquis et la jeune fille, l’un et l’autre la plume à la main, sont assis côte à côte devant la table. Sade. — Tu sais écrire, maintenant. Pourquoi n’essaies-tu pas de tenir ton journal ? Magdeleine. — Comme vous le vôtre ? Sade. — Les jeunes filles le font souvent. Magdeleine. — Et qu’y noterais-je ? Sade. — Ce que tu ne dis à personne… Magdeleine. — Ne suffit-il pas que je me le dise à moi-même ? Sade. — Ce que l’on a à se dire, on le dit mieux lorsqu’on l’écrit. Magdeleine. — Je crains que ce qui, déjà, me paraît futile ne le paraisse plus encore une fois couché sur le papier. Sade. — Que de sagesse chez une jeune fille de dix-sept ans ! Magdeleine. — Il y a un quart d’heure encore, je n’étais pas si sage que cela ! Sade. — Il est vrai, mon ange… J’ai délicieusement déchargé entre tes lèvres… Et auparavant, tu m’avais léché les couilles à la perfection… (Après un temps de réflexion.) Et si nous improvisions un conte ? Magdeleine. — Un conte ? Comment procéderions-nous ? Sade, chaussant ses besicles. — Je commence et tu poursuis. Et puis c’est moi. Et puis c’est toi. Et ainsi de suite. Mais il ne faut surtout pas perdre le rythme. Plutôt écrire n’importe quoi. Et sans se préoccuper des fautes. Aller droit devant soi… Magdeleine. — Je ne sais pas si je saurai… Sade. — Mais si, mais si, tu sauras… D’ailleurs, tu seras toi-même l’héroïne de cette histoire… (La jeune fille parait à peine étonnée.) Je commence… (Il écrit en lisant à haute voix au fur et à mesure ce qu’il écrit.). À son premier bal, Magdeleine eut sa robe gâtée par un danseur maladroit… (Il passe la feuille de papier à Magdeleine.) Magdeleine, écrivant. —… le lieutenant Florimond qui, troublé par la beauté de la jeune fille, n’avait pu retenir son foutre… (Elle passe la feuille de papier à Sade et ainsi de suite.)