« Prenez une feuille et un stylo » : qui n’a pas frémi en entendant ces mots ? Qui n’a pas soupiré, baissé les yeux dans sa trousse ou en direction de la copie de son voisin face au diktat de la dictée ? Qui n’a pas de souvenirs de ratures intempestives ou de « blanc » mal séché, d’étourderies maladives et d’erreurs impardonnables ? Élément de la mémoire collective et affective, la dictée fait partie du patrimoine culturel national, au même titre que la Bastille, le Bordeaux et les châteaux de la Loire.
Pratiqué dès le xvie siècle, l’art de la dictée traverse les générations : les bambins d’aujourd’hui et leurs grands-parents partagent la même émotion à l’évocation de la dictée. Authentique lieu de mémoire, elle véhicule aussi un message politique : l’histoire de France se raconte en dictées. La dictée devient alors républicaine, patriotique, hygiéniste, agricole ou religieuse. Elle se fait revancharde ou consolatrice, parfois morale ou instructive. Dans tous les cas, elle est édifiante, quitte à être plus proche du mythe que de la réalité. Volontiers nostalgique, elle narre le récit d’une France rêvée, la France profonde, celle des barattes et des bonnets, des repas de famille, des après-midi au jardin et des soirées devant la cheminée (puis devant le poste de télévision), la France d’antan qui, quand elle veut être moderne, a toujours vingt ans de retard. Cette Marianne ès lettres au teint de lait, au regard de faïence et aux lèvres vermeilles, est là pour nous rappeler que la France est une exception, l’exception qui confirme la règle