Nous avons besoin d’histoire car il nous faut du repos. Une halte pour reposer la conscience, pour que demeure la possibilité d’une conscience – non pas seulement le siège d’une pensée, mais d’une raison pratique, donnant toute latitude d’agir. Sauver le passé, sauver le temps de la frénésie du présent : les poètes s’y consacrent avec exactitude. Il faut pour cela travailler à s’affaiblir, à se désœuvrer, à rendre inopérante cette mise en péril de la temporalité qui saccage l’expérience et méprise l’enfance. “Étonner la catastrophe”, disait Victor Hugo ou, avec Walter Benjamin, se mettre à corps perdu en travers de cette catastrophe lente à venir, qui est de continuation davantage que de soudaine rupture.