La " Poule-au-Pot ", enfin conquise, doit-elle être immangeable ? Pourquoi le progrès reprend-il d'une main ce qu'il donne de l'autre ? De plus en plus ces questions viennent au premier plan de l'actualité, posées par de grandes voix autorisées.
Ici c'est une toute petite voix, non autorisée, qui ânonne. L'enfant qui promène au milieu de grands blocs de H.L.M. de la banlieue parisienne un chapelet de frères et soeurs et une angoisse indéfinie ne saurait formuler une seule de ces questions-là ; elle subit, elle ne sait pas qu'elle subit, et encore moins quoi ; elle ne manque de rien - de rien de matériel -, et, sans misère, elle ne sait pas pourquoi elle se sent misérable ; elle ne sait même pas qu'on l'étouffe, justement parce qu'on l'étouffe. Simplement elle chante sa petite chanson, dans son langage pauvre, jusqu'au jour où le " bonheur " lui sera administré, comme un tampon de chloroforme.
Alors la chanson s'arrêtera.