« L'un d'entre vous me trahira ». Cette phrase lancée par Jésus lors de la Cène a voué à jamais la figure de Judas à l'exécration. Mais qui était vraiment celui qui trahit ? Les textes sacrés ne nous en apprennent finalement que très peu, et sur lui et sur les raisons de son acte. On le dit intendant des apôtres, donc bénéficiant de la pleine confiance de Jésus. On le sait l'un des Douze, donc intime du Maître. La raison avancée pour son geste (la cupidité) ne supporte pas l'analyse : la somme de trente deniers, prix de l'infamie, était faible, surtout pour lui qui en manipulait beaucoup plus tous les jours... Alors, pourquoi ne pas lire une autre histoire ? Il n'est, sur la mort de Jésus, qu'une certitude : il a péri sur la croix, châtiment réservé aux rebelles à l'ordre romain. Et il paraît aujourd'hui évident à beaucoup qu'il a eu un rôle beaucoup plus actif dans la résistance juive à l'occupation romaine que les premiers évangiles, écrits à destination des chrétiens de Rome, ne le laissent paraître. En s'imprégnant des études les plus récentes sur le sujet, en envisageant la vie entière de Judas - une vie dont la rencontre avec Jésus ne serait que le dernier épisode - Hubert Prolongeau a développé l'option la plus vraisemblable : compagnon de lutte, véritable ami de Jésus, Judas aurait trahi ce dernier quand leurs conceptions sur le combat mené ensemble ont divergé. A travers leur conflit, c'est toute la question de la révolution qui est posée : doit-elle se faire par les armes, par la résistance quotidienne contre l'occupant - comme Judas le veut ? Ou par l'attente, la prière et l'espérance en l'au-delà qui réparera les injustices subies sur cette terre - comme Jésus le préconise ? A travers une passionnante reconstitution de la Palestine de l'époque, c'est aussi un subtil changement de perspective qui se dessine. Et peut-être une nouvelle histoire qui s'écrit sous nos yeux...